Chasseur d'oiseaux
Il existe un chasseur pas comme les autres qui ne possède ni fronde, ni arc, ni fusil, ni chien. Chasser les oiseaux requiert une qualité essentielle : être encore plus silencieux que le silence lui-même. Alors pas question d’avoir dans les pattes un chien qui renifle comme un cochon ou qui remue sans cesse la queue en faisant des tourbillons dans l’air. Il suffit d’un rien pour ébouriffer les oiseaux qui, vexés, s’envolent à tire-d’aile !
Bien sûr, un chasseur qui rentre toujours la gibecière vide, ça fait mal au ventre de rire. !
— Il s’en retourne encore bredouille, ce soir, hein ? , fait-on mine de s’enquérir, en ricanant dans son dos.
Pour toute réponse, notre chasseur d’oiseaux déplie un large sourire de contentement. Il affiche la tête d’un chasseur bredouille... heureux ! On le dit volontiers simple d’esprit.
Pourtant ce que peu de gens savent, c’est que ce chasseur d’oiseaux est un magicien : à chacun de ses clignements de paupières apparaît un trophée.
Il tend son index en direction du chêne ? Deux yeux perçants se fichent dans les siens.
Il tourne son regard vers le bois ? Deux ailes suspendues battent le ciel frénétiquement.
Il scrute la prairie ? Un vol de plumes argentées caresse sans bruit les hautes herbes aux couleurs caramel.
Et là, dans la haie ? Des piaillements sautillants emplissent ses oreilles.
Sur le bord de l’étang ? Deux grandes danseuses de blanc vêtues étirent leur cou gracieusement.
Et sur le tronc de l’amandier en fleurs ? Un croupion rougeoyant s’immobilise à l’affût.
Tout en haut des toits du village ? De petites pelotes grises immobiles attendent les derniers rayons du soleil avant de prendre leur envol.
La gibecière du chasseur reste bel et bien vide. Mais s’il s’en retourne chez lui d’un pas léger, ce sont la tête et le coeur chargés de couleurs, de mélodies, d’ailleurs. Il n’y a pas plus joyeux que ce chasseur d’oiseaux-là !